La réinstallation, une des trois solutions durables pour les personnes réfugiées ou un outil de protection pour quelques-uns ?

Il est traditionnellement admis qu’outre le retour dans son pays d’origine et l’intégration dans le pays hôte, la réinstallation est une des trois solutions durables « offertes » aux plus de 10 millions de personnes recensées comme réfugiées dans le monde. En quoi consiste donc cette solution présentée comme une des trois possibilités proposées aux personnes en situation d’exil forcé, et en est-elle vraiment une ?

Chaque année, par le biais du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), quelques dizaines de milliers de personnes ont en effet l’opportunité de quitter leur premier pays d’asile, se situant en général en bordure de leur pays de fuite, afin d’être accueillies dans un second pays hôte, celui-là plus lointain et assurément occidental. A titre d’exemple, en 2011, quelques 60 000 personnes ont pu être réinstallées, en majeur partie, aux USA (plus de 40 000), au Canada (près de 7 000), en Australie (un peu plus de 6 000), en Suède et en Norvège. Au total, l’Europe et ses 27 états membres n’accueillaient pas plus de 4 100 personnes réfugiées par le biais de la réinstallation alors que plus de 250 000 personnes demandaient l’asile « en direct » depuis un territoire européen et environ un quart d’entre elles recevaient une forme de protection, dont la majorité (près de 42 000) le plein statut de réfugié. Les principales nationalités des personnes réinstallées sont d’origine bhoutanaise, birmane, irakienne, somalienne et érythréenne.

En principe, la réinstallation est offerte à des personnes se trouvant en situation de grande vulnérabilité dans le premier pays hôte, sans réelle perspective de retour au pays, et ayant un besoin de protection physique ou statutaire reconnu et immédiat. Ces personnes sont sélectionnées sur des critères établis par le HCR et le futur pays d’asile, doublement soucieux de ne pas faire entrer des personnes présentant un risque sécuritaire ou qui, trop nombreux, grèveraient fortement leur système médical ou social.

Les personnes réinstallées ont accès à un statut de résident à long terme ainsi qu’aux droits socio-économiques traditionnellement ouverts aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié « en direct ». De ce fait, il est vrai qu’un horizon leur est enfin offert, avec en général, des aides diverses à l’insertion. Comme indiqué précédemment dans cette rubrique, la Belgique ouvre à partir de 2013 et ce, pour la première fois de manière structurelle, un modeste programme de réinstallation qui concernera 100 personnes provenant essentiellement de la région des Grands Lacs en Afrique. A sa mesure et en conformité avec ses statuts, la Fondation Josefa se propose de contribuer à l’accueil de personnes réinstallées en 2014.

A titre de réflexion sur le sujet, nous constatons que, même si la réinstallation, souvent parachutée, et parfois après de nombreuses années passées en terre de premier exil, peut effectivement être salvatrice pour certains, elle n’en reste pas moins difficile et éprouvante pour la majorité des personnes concernées. En effet, peu sont préparées à vivre autrement, à la mode occidentale, souvent urbaine et aux exigences latentes de performance rapide d’intégration sans véritables appuis économiques. Pour les personnes réinstallées, une nouvelle forme d’ajustement (de résilience ?), avant tout social et culturel, doit se réaliser. Défi dont on ne mesure peut-être pas assez les enjeux en amont du processus de réinstallation et qui pourrait faire l’objet d’études supplémentaires.

Par ailleurs, la question demeure de comprendre comment l’écart statistique entre les millions de personnes en situation forcée de déplacement (hors de leurs frontières) et les quelques dizaines de milliers d’entre elles pouvant se prévaloir d’une réinstallation dans un pays lointain ouvert à, somme toute, cette forme d’immigration choisie, permet de qualifier la réinstallation comme une des trois solutions durables proposées aux personnes réfugiées.

Aux yeux de la Fondation Josefa, la réinstallation est pour le moins un véritable outil de protection réservée à un nombre très limité de cas individuels au besoin salvateur d’un second exil. Cependant, le nombre restreint de places disponibles ne devrait pas permettre de présenter officiellement la réinstallation comme une des trois solutions durables offertes aux personnes réfugiées. Ainsi, les efforts de la communauté internationale devraient se concentrer sur les perspectives de retour ou d’insertion durables, en travail conjoint avec les acteurs de développement, tout en maintenant ouvert le canal plus modeste d’une troisième voie, la réinstallation, outil de protection, réservé à quelques uns. En la matière, l’expérience en cours de la Belgique sera essentielle à la Fondation Josefa pour approfondir et déployer ses propositions, en matière de logement, à savoir la Maison Josefa, afin de faire cependant, de la réinstallation, dans certains cas, un mode d’insertion éthique et durable.