Pourquoi

Cela fait 4 ans que la Maison Josefa a ouvert ses portes. Cela fait 7 ans que le projet Josefa a démarré. Qu'en est-il de l'agitation autour de « la migration » ?

Migration... : en Belgique, cela ne signifie pas la même chose qu'en Grèce, qu'en Turquie et que dans n'importe quel autre endroit du monde. Migration ne signifie pas la même chose pour un ministre, pour un policier, pour un agent de centre fermé, pour un activiste, pour un volontaire de plateforme citoyenne. Ni pour la personne « bénéficiaire » de chacun de ces « services » ?

C'est une situation qui a évolué de façon conservatrice et de plus en plus militarisée. Les ingrédients ? Quelques considérations floues, une grosse cuillère de bonnes intentions, une triple dose de marketing, 5 à 6 analyses biaisées mais considérées comme objectives... C'est une recette qui fonctionne, testée et approuvée, sur les flux migratoires. Elle fait aussi bien tourner le moulin de l'extrême droite que celui de l'extrême gauche et des ONG’s. À cela, l'urgence humaine des situations d'exil ajoute une bonne dose de nécessité. Cette dernière est d'autant plus criante lorsqu'une personne n'appartient pas à la « bonne » classe sociale. Sur ce terreau fertile, il devient aisé de transformer un mouvement fondamental en une crise à gérer. Crise qui, chiffrée, n'est plus qu'une question de définition. Elle est donc un consensus politique, visant à définir des limites, des quotas, des euros. 

Au niveau macro, les causes structurelles sont assez claires. Parmi celles-ci, le capitalisme militaire, extractiviste, industriel, la structuration sociale en classe ainsi que l'État-nation. D'autant plus que ce dernier maintient les structures par la force « légitime » et « proportionnée ». Il ne faut pas s'attendre à une quelconque amélioration de la situation, tant que ce système sera la force motrice du « développement ». Comme le montrent les approches de l'Europe qui financent des pays, notamment en Afrique, pour retenir les personnes au départ ou en transit.

Il est plus que jamais nécessaire d’entreprendre une approche radicale qui envisage la suppression de l'État comme source d'autorité publique, la suppression de la justice du dominant pour trancher et, de façon générale, qui vise l’élimination de toutes les oppressions. Il est nécessaire de changer fondamentalement les modèles économiques et que le dons-pour-dons remplace les devises. Sans cela, l'urgence ne pourra pas laisser la place à une autre société, basée sur une solidarité inconditionnelle, faisant fi des classes et des catégories aliénantes. Les classes sociales et les oppressions qui en découlent sont aujourd'hui bien dissimulées dans les discours publics. En effet, dans toutes les « crises » engendrées par le binôme capitalisme-État-nation, les positions réformistes sont plébiscitées, mises en avant par la publicité des médias qui sont détenus par une poignée de riches individus, que ce soit dans la « gestion des migrants », pour l'écologie, contre le chômage ou encore dans la gestion de la crise économique. Les solutions qui sortent de ce système, avec leur lot de financements, ne règlent aucunement l'urgence pas plus que le fond du problème, voire l'entretiennent par leur propre existence. Il suffit de voir d'où viennent les fonds lorsqu'ils sont privés. Quant aux fonds publics, regardez du côté des entreprises d'armement, des barbelés, des prisons sécurisées, des centres fermés, de Frontex et de la Libye, et ce ne sera qu'un avant-goût. D'ailleurs, il est reconnu qu'avec un bon marketing, il est possible de vendre de la « merde ».

Au niveau micro, les bénévoles viennent pour résoudre l'urgence et ils repartiront le cœur plein de bonté humaine, de compassion, d'images folles et grisantes. Au mieux auront-ils rencontré des « bonnes pratiques ». Cependant, n'ayant pas les moyens individuellement de s'attaquer aux causes, il est probable qu'ils n'aient que contribué à perpétuer le système aux côtés des acteurs classiques. 

Dans ce cadre, un déplacement, un déménagement, un exil deviennent secondaires : une pièce attachée, déracinée de son sens humain, de son sens social, de son sens économique, de son sens politique... Donnez-leur un nom, et ce seront des personnes ; donnez-leur un chiffre et ce ne sont plus que des statistiques.

Pour « nous », « migration, pourquoi ? » Parce-que cela rapporte des milliards aux classes sociales aisées et contribue au maintien de ce qu'ils appellent « paix sociale ».

Pour « eux », « migration, pourquoi ? » Il serait intéressant de le leur demander. Demander, mais dans quel système ? Dès lors, comment ne pas en faire un chiffre et un étalage pour la charité ? 

Et pour « moi », « migration, pourquoi ? ». Une bien longue question... Ai-je seulement osé me la poser ? 

À quand une approche organisée des mouvements sociaux, commune aux différentes crises, radicale et sans aménagements réformistes ? Autrement dit, sans se complaire dans le programme des « puissants », car il est plus que temps de « décoloniser notre monde ».

Guillaume