Une nouvelle approche de partage international de la réinstallation

De nombreux gouvernements et la plupart des acteurs concernés, sinon tous, réfléchissent beaucoup, ces derniers jours, à la « crise migratoire », afin d’arriver à une meilleure cohésion de la solidarité internationale face aux flux de personnes réfugiées…

Dans le contexte européen, une proposition a été de développer un programme européen de réinstallation, certes modeste, à ce stade, mais néanmoins croissant et progressivement efficace. Ainsi, les États membres de l'Union Européenne (UE) s’engagent à accepter des personnes réfugiées de l'extérieur de l'Europe selon des quotas annuels. La réinstallation est à distinguer d'un mécanisme de relocalisation laquelle répond aux besoins des personnes réfugiées déjà présentes en Europe, à travers un mécanisme interne (intra-UE) de « redistribution géographique ».

Au cours des dernières années, le nombre de personnes réfugiées réinstallées en Europe a augmenté (de 6 468 en 2013 à plus de 7 000 attendus pour 2015). Le programme de réinstallation a été mis en œuvre par et dans 14 États membres, avec un rôle coordonnateur de la Commission européenne. Cependant, et en dépit des incitatifs financiers importants fournis par l'Union européenne (en vertu de l'ancien Fonds Européen pour les Réfugiés et maintenant dans le cadre du Fonds Asile, Migration et Intégration), le nombre de personnes réinstallées, ou qui le seront à l’avenir, reste et restera relativement faible et loin de correspondre de façon significative aux besoins tels que ceux identifiés par le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) : plus d'un million de personnes seraient dans le besoin de réinstallation pour 2015. À titre informatif, en 2014, un total d'un peu plus 88000 personnes ont été réinstallées dans le monde, représentant alors 8 % des besoins totaux identifiés.

De fait, les Gouvernements, le HCR, les ONG internationales et nationales, les observateurs tels que la Fondation Josefa et autres experts poursuivent leurs efforts de réflexions, accrus ces jours-ci, afin d'imaginer un nouveau système d'asile européen, réellement fondé sur des mécanismes de partage et de solidarité. Pressée par les événements dramatiques du printemps et de l'été 2015, l'UE a élaboré des clés de distribution possibles et a tenté de concevoir un mécanisme de répartition intra-UE pour les personnes réfugiées en attente de réinstallation en Europe et qui constituerait la base d’un véritable programme européen de réinstallation. Ces critères comprendraient, par pays, la démographie, le PIB, le nombre de demandes d'asile déposées pour les années précédentes, le nombre de personnes réfugiées reconnues, la proportion de la population étrangère résidente jusque-là, le taux de chômage, etc. En bref, une formule mathématique a été pensée qui distribuerait les personnes à être réinstallées parmi les États membres de l’UE, proportionnellement à ces critères.

Cependant, pour qu’un tel système fonctionne, les États membres de l'UE devraient contribuer au programme européen de réinstallation, soit sous contrainte juridique, soit par une volonté de s’engager en acceptant d’accueillir leur part respective de personnes à réinstaller. Cela est toutefois le chaînon manquant pour l’instant, car il n’existe ni législation, ni volonté réelle et forte pour la mise en œuvre d’un tel programme. En tant qu'observateur et partisan de cette initiative, nous aimerions penser plus avant et imaginer qu'un tel système de distribution des quotas de réinstallation pourrait être plutôt conçu au niveau international qu'au niveau européen. En effet, cela mettrait l'UE sur un pied d’égalité avec les autres pays qui ont une pratique de réinstallation. Un système de répartition équitable des quotas de réinstallation parmi les pays déjà engagés dans la réinstallation, fondée sur des critères justes et objectifs - tels que, par exemple, ceux déjà imaginés par l'UE pour elle-même -, nous semble une idée novatrice.

Par ailleurs, nous pensons que cela aiderait, dans le concert plus large des États et de la communauté internationale, à répondre aux besoins de protection de plus en plus pressants de notre monde, et dans lequel l'UE serait, de pair, un acteur parmi d'autres, avec une approche, de fait, moins euro-centrique. Cette initiative permettrait également, dans une certaine mesure, d'augmenter la pression sur les États européens afin qu’ils y prennent tous part ; car cela se ferait sous un appel et le ‘’monitoring’’ de la communauté internationale à l’ensemble des parties prenantes.

Puisque l'UE préconise elle-même un plus grand partage de solidarité (tel qu’inscrit dans son Traité - voir les articles 80 and 67.2 du TFUE), et qu’elle se doit de la mettre en pratique, il semblerait qu'une telle approche internationale pourrait également aider à désamorcer les tensions et dissensions en cours en Europe relativement à la « crise migratoire ».

En effet, le système de clés de répartition serait applicable à tous les pays de réinstallation : Australie, Canada, États-Unis, Nouvelle-Zélande, les 28 états de l’UE et d’autres pays de réinstallation, de façon équitable et transparente, par le biais d'attribution des quotas de personnes disposées à être réinstallées, dans un temps donné et ce, par pays. Un tel système, naturellement conçu par un acteur neutre tel que le HCR ou un Think Tank tel que le Migration Policy Institut particulièrement impliqué dans ces réflexions, constituerait un appel renouvelé et une occasion pour les États concernés à confirmer leur engagement international à trouver des solutions durables pour les personnes réfugiées, en respect des termes de la Convention de Genève de 1951, et selon le statut du HCR ainsi qu’au vu des Résolutions ultérieures relatives au HCR.

Cette voie impliquerait, une fois un tel mécanisme international proposé, que les pays de réinstallation se rassemblent et s’engagent solennellement pour l’adopter, le faire fonctionner ainsi que l’évaluer de manière régulière. Tel événement pourrait avoir lieu à l'Assemblée générale des Nations Unies. En outre, cette nouvelle approche de partage de réinstallation internationale apporterait un nouvel élan à l’institution internationale de l'asile, plus respectable et plus nécessaire que jamais, et obligerait les pays concernés à devoir rendre des comptes à la communauté internationale à cet égard.