Identités migrantes

Il est effrayant de voir les campagnes s’égrener autour des « migrants ». Plus qu’un phénomène de mode, les associations et les responsables de communication rivalisent pour trouver les mots les plus percutants…

Transformer le fait divers en phénomène médiatique est devenu un standard sociétal, +73% dans les JTs de 2002 à 2012 en France (INA, 2013[i]). Les ventes s’envolent encore mieux quand c’est un irakien qui sauve des gens dans un incendie. Il s’agit des modèles de communication, de gestion et de réflexion visant à faire accepter dans son entièreté un produit sans remettre en question son sens et ses fondements. Ces méthodes transforment les mots en armes de destruction massive. La guerre contre l’humanité est lancée sous couvert d’humanitaire, voire même d’humanisme. Courants qui se targuent de se démarquer de la « bonne vieille charité ». Misère.

Utiliser une histoire, un témoignage, un visage, une photo pour donner un regard humain aux « migrants » lance un message tronqué. Faites le test : remplacez « migrant » et « réfugié » par d’autres catégories utilisées lors des violences de l’histoire. Le sens caché saute aux yeux. Tenter de définir une personne comme être humain, c’est accepter que le sens commun et les mots l’aient déjà abandonnée à une constitution de seconde zone. C’est un mode de fonctionnement, pas forcément conscient, qui retire l’humanité des regards. Tenter de s’assimiler à un groupe de personnes, en se targuant « Tous migrants » et l’on a déjà créé la catégorie : les catégories, ces cases dans les esprits et dans les regards d’où personne ne peut sortir, qui privent d’identité et de liberté, qui atrophient les humanités profondes. De la même façon que la violence interpersonnelle détruit les relations, la violence des mots et des images peut détruire sa propre humanité bien que voulue belle, sensible et épanouie.

Ma pertinence, c’est de remettre en question les mots et les idées. Si je partage, quel objectif est-ce que je poursuis ? Au-delà de toute critique de systèmes, suis-je cohérent ? Sur ce terrain, l’expérience avec Josefa a levé devant mes yeux un coin du rideau donnant sur les migrations avec une démarche forte : le questionnement permanent. Quel est le sens d’un mot, d’un regard, d’une expérience ?

En entendant mon engagement, beaucoup m'ont déjà demandé : « Alors, tu veux changer le monde ? ». Et moi je répondais : « Je ne veux pas changer le monde, je veux changer mon monde et je ne peux pas le faire pour les autres ». Au détour de mon cheminement, je suis tombé sur une reformulation intéressante. Celle de créer un espace fait de vie, où les fonctionnements conventionnels de l'espace et du temps peuvent être transformés par chacun et pour soi. Aux autres appartient le choix de le visiter, de le respecter, de se l’approprier et de le transformer. Ce n’est pas un objectif, mais une finalité.

Dans nos intuitions profondes, sommes-nous prêts à regarder nos identités migrantes ? Ce grand écart au-dessus de nos contradictions peut-il nous éviter la catégorisation, l’héroïsme rampant ou encore l’apitoiement charitable ?

Guillaume