Enracinement et Migration

Deux concepts apparemment contradictoires mais dont le rapprochement donne à penser

Image végétale, l’enracinement évoque la stabilité, voire l’immobilité : un arbre n’a pas l’habitude de changer de place, ni de se déraciner pour aller se replanter ailleurs, sauf intervention d’une main humaine. Pourtant, derrière cette fixité apparente, c’est toute une vie qui se découvre : les racines s’enfoncent et s’allongent, invisibles, sous la terre ; les branches également s’étendent et grandissent, en hauteur comme en largeur, portant feuilles et fruits selon les saisons ; et l’arbre élargit même lentement sa circonférence dont l’histoire se retrouve dans les cercles de son tronc. Il s’inscrit dans la durée et dans le temps.

Appliqué à nous-mêmes, êtres humains, l’enracinement marque notre dimension temporelle : comment notre vie a grandi, s’est développée, élargie, approfondie au cours de notre existence. Chacun de nous cherche ses racines dans sa généalogie et dans l’histoire de ses ancêtres.

Au contraire, dans le sens courant, la migration évoque le déplacement dans l’espace : au gré des saisons, l’oiseau migrateur quitte une région pour aller chercher ailleurs le climat et l’environnement qui conviennent à sa nature.

Le migrant, selon la terminologie habituelle, administrative et politique, voire caritative, s’apparente donc à cet oiseau migrateur : diverses causes, guerres, conflits locaux, famines, catastrophes naturelles, changement climatique, goût de l’aventure… l’amènent à quitter son pays natal ou d’adoption pour essayer de trouver, dans un autre pays, ce qui lui manque ou ce qu’il cherche.

Si éloignées qu’elles paraissent au premier regard, ces deux notions, enracinement et migration, nous révèlent, d’une manière complémentaire, ce que nous sommes : la migration temporelle de nos vies croise les éventuelles migrations géographiques, subies ou choisies, et nous découvrons qu’en fait, nous sommes tous, de quelque manière, des migrants : c’est notre nature même d’êtres humains.

Il en découle deux conséquences essentielles : d’une part, la migration de chacun de nous, dans l’espace comme dans le temps, est unique et, d’une certaine manière, incomparable, selon notre identité propre : je suis né quelque part, de tel et telle, un jour donné de l’année X... Par contre, cette commune nature nous invite à mettre en commun et à partager ce que nous sommes et ce que nous possédons dans une hospitalité réciproque : nous avons tous quelque chose à recevoir les uns des autres. Voilà le fondement de notre vivre ensemble qui devrait inspirer nos diverses politiques aussi bien économiques que migratoires ou culturelles, nationales comme européennes et internationales. « Tous migrants », tel est le programme et la nature même de la Fondation Josefa.

Jean-Louis