Migration de toujours, migration toujours

Comment revenir à la noblesse du terme « migration » est une grande question qui devrait hanter chacun d’entre nous. 

Du temps où la « migration » était un terme à caractère distingué, respectueux et témoin de phénomènes naturels et cycliques, que ce fut pour évoquer des migrations humaines ou animales, au temps où nos journaux évoquent « quatre migrants découverts morts entre la frontière polonaise et biélorusse ». Phrase lapidaire, froide, technique, lointaine, insensible, imperceptible même, ôtant toute humanité à ces quatre personnes dont la vie fut prise au piège d’un jeu de frontières aux enjeux politiques.

Quatre « migrants » anonymisés, neutralisés par le langage journalistique et médiatique : non pas quatre personnes mais bien quatre « migrants » nous ont quittés. Cette terminologie n’est-elle pas questionnante, ne nous blesse-t-elle pas ?

Quel peut être mon rapport à ces « migrants » qui ne sont personne, pas même une personne ? Comment me relier à des « migrants », comment prier pour ceux qui ne sont que migrants, réduits à être migrants. Mais qu’est-ce qu’un migrant ?

Qui définit le migrant et quelle en est la définition ?

Wikipédia : « personne qui s’expatrie pour des raisons économiques ». Une fois décédée la personne est-elle donc toujours migrante en processus d’expatriation pour des raisons économiques ?

Définition des Nations Unies : « personne qui réside dans un pays étranger pendant plus d’une année… ». Ces quatre personnes décédées entre deux frontières ont-elles résidé pendant plus d’un an à l’étranger ? Certainement non. De quelle légitimité donc accoler ce qualificatif de « migrant » à des personnes ; ce nom devenu barbarisant, dégradant, infériorisant et, de fait, honteusement irrespectueux de la personne humaine ?

Comment parler des droits des migrants sans percevoir en premier lieu que ne peut être qualifiée de « migrant » qu’une personne humaine dont les droits fondamentaux ne sont pas différents de ceux des êtres migrants que nous sommes tous ? Quels droits particuliers aux migrants décédés entre les frontières ? Des obsèques de migrants par une administration pour les migrants ?

Le tout est abject et fort loin de la noblesse des temps anciens où l’étranger, le migrant était l’hôte premier, l’hôte inattendu, attendu et toujours accueilli. Une assiette pour celui que nous n’attendons pas demeurait mise pour celui ou celle qui pourrait passer.

Les oiseaux migrateurs, pingouins ou autres espèces, ont encore leurs lettres de noblesse là-haut dans les cieux où les frontières ne sont pas encore inscrites, quoique ...

Que ces quatre personnes reposent en paix dans leur migration éternelle.

Le temps ne leur est plus compté mais nos actes de langage sont et resteront encore irrévérencieux.

Il est grand temps que nous nous reconnaissions tous migrants ; en communion fraternelle et transfrontalière.